Divorce : l’indemnité d’occupation, ce coût caché que tu n’avais pas prévu

Quand tu divorces, tu crois déjà avoir tout vu : la pension alimentaire, la prestation compensatoire, les frais d’avocats. Et puis … une nouvelle claque tombe : l’indemnité d’occupation. Tu ne t’y attends pas, mais si tu restes seul dans le logement familial après la séparation, la justice considère que tu dois payer à ton ex une sorte de “loyer fictif”.

Je suis tombé des nues la première fois que mon avocate m’a expliqué cela. Et crois-moi, tu n’as pas envie de découvrir cette disposition quand il est trop tard. Alors on va poser les choses : qu’est-ce que c’est, quand est-ce que cela s’applique, comment est-ce calculé, combien ça peut te coûter … et surtout : comment t’en protéger.

Qu’est-ce que l’indemnité d’occupation ?

L’indemnité d’occupation, c’est une somme que doit verser l’ex-conjoint qui continue d’occuper seul un logement appartenant aux deux (après un divorce ou une séparation). C’est écrit noir sur blanc dans l’article 815-9 du Code civil : « L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité. »

Autrement dit : dès que le mariage est dissous et que la maison passe en indivision, celui qui y habite seul doit indemniser l’autre. Peu importe que tu sois celui qui paie encore le crédit, que tu assumes les charges et les impôts locaux : le principe est posé.

Quand l’indemnité d’occupation s’applique-t-elle ?

Elle s’applique dans presque tous les cas où :

  • Le logement a été acquis pendant le mariage et se retrouve en indivision après le divorce.
  • L’un des deux reste dans la maison (par choix ou par nécessité) en attendant le partage ou la vente.

Il n’y a qu’une seule exception : si les ex-époux signent une convention de jouissance gratuite. Autrement dit, si ton ex accepte par écrit que tu restes gratuitement dans le bien. Spoiler : c’est rarissime.

Jurisprudence à l’appui : la Cour de cassation (3 octobre 2019, n°18-20430) a confirmé que même un logement vétuste ne dispensait pas de payer l’indemnité. Pas de sortie facile : si tu occupes, tu paies.

Comment est calculée l’indemnité d’occupation ?

L’indemnité est calculée sur la valeur locative du bien, c’est-à-dire le loyer que le logement rapporterait s’il était loué sur le marché. Le juge se base sur :

  • La situation géographique.
  • La surface et l’état du logement.
  • Les loyers pratiqués dans le secteur.

Il n’existe pas d’abattement légal fixe. Les juges partent de la valeur locative, puis peuvent appliquer une décote (souvent 15 à 30 %) selon les circonstances : vétusté, charges assumées par l’occupant, précarité du titre d’occupation, etc. En pratique, on voit fréquemment des montants autour de 70 à 85 % de la valeur locative.

Exemple concret :

  • Maison estimée à 1 200 € de loyer mensuel sur le marché.
  • Indemnité d’occupation fixée à environ 840 €/mois (≈70 %).

Et ça ne s’arrête pas là : cette indemnité court depuis le jour de la dissolution de la communauté (souvent la date du jugement de divorce) jusqu’au partage effectif. La Cour de cassation (10 février 2021) a confirmé qu’elle est due de manière continue sur toute cette période.

Combien ça peut coûter ?

Fais le calcul. Tu restes trois ans dans la maison en attendant la liquidation du patrimoine :

  • 840 €/mois d’indemnité d’occupation.
  • 3 ans = 36 mois.
  • Total dû : 30 240 €.

Et attention : cette somme peut s’ajouter aux crédits que tu continues de rembourser ! Autrement dit, tu paies deux fois : ton crédit + un loyer fictif pour ta propre maison. La double peine.

Quand s’arrête l’indemnité d’occupation ?

L’indemnité ne dépend pas de la vitesse de liquidation du patrimoine. Elle cesse le jour où tu remets réellement le bien à l’indivision (par exemple, remise des clés contre reçu, constat d’huissier, mise à disposition écrite). Même si le partage traîne derrière, tu n’es plus redevable après avoir libéré le logement. (Cass. 1re civ., 12 juin 2025, n° 23-22.003)

Mon expérience personnelle : la claque

Quand mon ex est partie, j’ai gardé la maison. Je continuais de payer le crédit, je m’occupais de tout. Je croyais naïvement que c’était logique : c’était ma maison, c’était normal que je l’assume. J’étais loin d’imaginer qu’un jour, un juge me dirait : “Monsieur, vous devez aussi indemniser Madame parce que vous jouissez seul du bien.”

Résultat : la facture a gonflé sans que je m’en rende compte. Des dizaines de milliers d’euros supplémentaires, ajoutés à une procédure déjà ruineuse. Et crois-moi, quand tu découvres ça, tu as juste l’impression qu’on te plume encore un peu plus.

Est-ce injuste ?

Sur le papier, l’indemnité d’occupation se veut “équilibrée” : celui qui occupe seul un bien commun indemnise l’indivision. Mais dans la pratique, c’est une charge lourde si la liquidation traîne, car tant que tu restes dans le logement, l’indemnité continue.

La règle vise l’occupant exclusif. Si tu veux faire cesser l’indemnité, libère le bien et prouve-le (remise des clés, constat d’huissier, mise à disposition écrite). Ce n’est pas la lenteur du partage qui prolonge ta dette, c’est ton occupation du logement.

Comment limiter la casse ?

Bonne nouvelle : tu n’es pas totalement sans armes. Voilà quelques stratégies :

  • Négocier une convention de jouissance gratuite : si ton ex est ouverte à un accord (rare, mais ça existe), fais-le écrire noir sur blanc.
  • Agir vite : plus la liquidation du patrimoine traîne, plus l’addition monte. Accélère le partage ou la vente.
  • Compensation sur les charges : garde toutes les preuves des crédits, impôts, travaux, charges que tu assumes. Tu pourras demander que ça vienne compenser l’indemnité due.
  • Quitter le logement : parfois, c’est plus intelligent de partir que de rester et accumuler des dettes invisibles.

Quelques décisions qui font réfléchir

  • Cass. 1re civ., 3 octobre 2019 : l’occupant doit payer l’indemnité même si la maison est vétuste.
  • Cass. 1re civ., 10 février 2021 : l’indemnité est due dès la dissolution, jusqu’au partage.
  • Cass. 1re civ., 17 novembre 2021 : prescription de 5 ans sur les demandes d’indemnité (au-delà, c’est prescrit sauf suspension).
  • CA Nîmes, 5 août 2021 : le simple fait de détenir les clés constitue une jouissance privative et déclenche l’indemnité.

FAQ rapide

Dois-je payer une indemnité d’occupation même si je paie le crédit ?
Oui. Le crédit est une charge commune, l’indemnité est une compensation pour l’occupation. Ce sont deux choses distinctes.

Peut-on l’éviter ?
Seulement avec une convention de jouissance gratuite signée par les deux parties.

Est-ce rétroactif ?
Oui, elle court depuis la dissolution (jugement de divorce, séparation de biens) jusqu’au partage définitif.

Est-ce que c’est déductible fiscalement ?
Non. Ce n’est pas une pension alimentaire, mais une créance patrimoniale. Aucun avantage fiscal.

À retenir

L’indemnité d’occupation est l’une des dépenses surprises du divorce. Elle peut te coûter dizaines de milliers d’euros si tu restes dans le logement familial en pensant “c’est chez moi, donc c’est gratuit”. La loi ne voit pas ça comme ça : tu jouis seul d’un bien indivis, tu paies.

Le meilleur conseil : anticipe. Documente, négocie, ou quitte la maison si c’est nécessaire. Parce que sinon, tu risques de découvrir une addition salée quand il sera trop tard.

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