Créer une entreprise à deux, c’est fusionner deux volontés. Divorcer ensuite, c’est tenter de séparer l’eau du vin. Et quand les époux sont associés dans la même société, le divorce ne détruit pas seulement une histoire : il fracture une structure, un capital, une gouvernance. L’amour s’éteint, mais les statuts restent. Et le droit, lui, ne connaît ni la tendresse ni la nostalgie.
Alors, que devient une société détenue par un couple qui se sépare ? Qui garde quoi ? Comment éviter que l’entreprise ne devienne une bombe émotionnelle à retardement ? Voici la vérité crue — celle que ton avocat ne te dira qu’après la tempête. Toi, tu vas la lire avant.
Le régime matrimonial : la matrice de la propriété
Avant de parler d’entreprise, il faut parler du socle : le régime matrimonial. C’est lui qui détermine à qui appartiennent les parts sociales, et dans quelle mesure ton ex peut revendiquer la moitié de ton business.
- Communauté réduite aux acquêts : par défaut, tout ce que vous créez ou acquérez pendant le mariage est commun. Si vous avez créé une société pendant l’union, ses parts — ou au moins leur valeur — tombent dans la communauté. Peu importe que ton nom seul figure au registre du commerce.
- Séparation de biens : chacun garde ses actifs et ses dettes. Si vous avez chacun investi séparément, les parts restent propres. Ce régime, c’est le gilet pare-balles du chef d’entreprise.
- Participation aux acquêts : mixte et perfide. Au moment du divorce, chacun doit “participer” aux gains de l’autre. Ce qui inclut la valorisation de l’entreprise. En clair : si ta boîte a pris de la valeur, ton ex peut réclamer sa part.
Et si l’un des époux a utilisé de l’argent commun pour souscrire des parts à son nom, l’autre peut revendiquer la qualité d’associé (article 1832-2 du Code civil). En pratique, cela signifie : même si tu es seul gérant, ton ex peut avoir voix au chapitre.
“On se marie à deux, mais on divorce souvent à trois : toi, ton ex, et le Code civil.”
Les scénarios possibles quand le couple-entreprise explose
1. Le partage pur et simple : la liquidation
C’est la version “chirurgie lourde”. On évalue l’entreprise, on la met dans le pot commun, et chacun repart avec sa part (ou une soulte équivalente). En pratique, c’est un casse-tête : valorisation, fiscalité, dettes croisées, dividendes non distribués… chaque élément devient un champ de bataille.
Quand personne ne veut lâcher, le juge peut laisser la société en indivision provisoire. C’est-à-dire que vous restez copropriétaires, avec un mandataire commun pour représenter la boîte. Autant dire : un enfer à deux têtes. Les décisions se bloquent, les tensions montent, et la société finit souvent à genoux.
2. Le rachat des parts de l’ex
Le scénario le plus sain (quand il est possible). L’un rachète la part de l’autre. Cela suppose :
- Une évaluation juste (idéalement par un expert indépendant)
- Une capacité de financement (souvent via prêt bancaire ou holding de reprise)
- Un accord notarié clair pour acter la cession
Avantage : la société continue, le capital reste concentré. Inconvénient : l’émotionnel complique tout. Beaucoup d’hommes paient trop cher juste pour “tourner la page”. Erreur stratégique : une société ne se rachète pas avec le cœur, mais avec un bilan.
3. La co-gestion après divorce
Parfois, aucun des deux ne veut lâcher. Ils restent donc coassociés. C’est rare, risqué, et souvent temporaire. Mais c’est possible. Tout dépend des statuts :
- Si vous avez prévu des clauses de majorité ou d’agrément, la société peut encore fonctionner.
- Sinon, chaque décision devient un duel : dividendes, embauches, investissements, tout tourne à la guerre froide.
Le juge peut alors nommer un administrateur provisoire chargé de gérer à votre place. Autant dire : c’est comme confier ton entreprise à un arbitre qui n’a jamais connu tes clients.
La bataille de la valorisation
Quand l’amour meurt, c’est l’expert-comptable qui devient juge du patrimoine. L’évaluation de la société est souvent le point de rupture : chacun veut sa vérité, chacun défend son chiffre.
- Méthode patrimoniale : on additionne les actifs, on soustrait les dettes. Basique, mais souvent injuste pour les sociétés à fort potentiel.
- Méthode du rendement (DCF) : on valorise les flux futurs. Risqué : ton ex peut prétendre à une part d’une croissance qu’elle ne produira jamais.
- Méthode comparative : on se base sur les multiples du secteur. Pratique mais dépendant du contexte économique.
En pratique, fais nommer ton propre expert. Pas celui désigné d’office par le tribunal. Et exige des décotes de minorité et d’illiquidité : si ton ex revend des parts non cotées, leur valeur réelle est bien inférieure à la valeur théorique.
Enfin, rappelle une vérité simple : la société, c’est aussi ton savoir-faire. Le goodwill personnel (la valeur liée à ton implication directe) ne se partage pas. Tu peux défendre que la hausse de valeur après séparation est ton œuvre, pas celle de la communauté.
Comment prévenir le désastre avant qu’il n’arrive
Si tu es déjà en couple et que vous entreprenez ensemble, sois lucide : prépare le plan de sortie avant le naufrage. Voici les outils légaux — et redoutablement efficaces — pour t’éviter le chaos :
1. Un pacte d’associés béton
- Clause de buy-out : en cas de divorce, un associé peut être obligé de vendre ses parts à l’autre à une valeur prédéfinie.
- Clause d’agrément : aucune cession sans accord préalable.
- Clause d’exclusion : si l’un des associés nuit à la société, il peut être forcé de céder ses parts.
2. Une clause de remploi pour les apports propres
Si tu investis de l’argent personnel dans l’entreprise, fais mentionner que ces fonds sont “propres” (article 1434 du Code civil). Sans cela, ta mise devient commune — et partageable. La clause de remploi, c’est la signature qui sauve tes efforts.
3. Des statuts prévoyant la séparation
Certains prévoient une clause de divorce dans les statuts : en cas de séparation, un rachat automatique ou une procédure de sortie est enclenchée. C’est froid, oui. Mais c’est intelligent. L’amour n’a pas besoin de clause ; la survie d’une société, si.
4. Une traçabilité impeccable
Dans un divorce, tout ce que tu ne peux pas prouver est considéré comme commun. D’où l’importance de garder tous les justificatifs d’apports, contrats, mouvements de compte courant, procès-verbaux. L’ordre, c’est ton assurance.
Quelques cas de jurisprudence à connaître
- Cour de cassation, 14 juin 2017 : un époux ayant financé seul une entreprise avec des fonds propres a conservé ses parts malgré le mariage en communauté, grâce à la clause de remploi.
- Cour d’appel de Lyon, 2019 : une épouse revendiquait la moitié des parts de la société de son mari. Rejeté, faute de preuve d’un financement commun.
- Cour de cassation, 5 avril 2023 : des époux coassociés dans une SARL restés en indivision après divorce ; blocage complet de la gestion, nomination d’un administrateur provisoire.
Ces décisions montrent une chose : celui qui anticipe gagne. Celui qui agit dans la panique subit.
En résumé : défendre ta part, c’est défendre ton identité
Une entreprise commune, c’est un peu comme un enfant : elle porte l’ADN des deux. Mais au divorce, elle ne choisit pas son camp. Alors tu dois choisir le tien. Prépare ton dossier, fais-toi conseiller par un avocat en droit des sociétés (pas seulement en divorce), et garde une logique froide : préserver le capital, pas rejouer le couple.
Tu n’as pas bâti ta société pour la voir partir en poussière à cause d’un cœur brisé. Sois celui qui reste debout, lucide et stratège. Et si tu veux aller plus loin, découvre mes ebooks et coachings — parce qu’un homme averti vaut toujours plus qu’un homme amoureux.
FAQ – Divorce et entreprise détenue par les deux époux
Que devient une société créée à deux en cas de divorce ?
La société reste juridiquement indépendante, mais ses parts sont soumises au partage selon le régime matrimonial. Si vous étiez en communauté, elles seront valorisées et partagées ou compensées par une soulte.
Puis-je racheter la part de mon ex ?
Oui, c’est souvent la meilleure solution. Il faut une évaluation claire, un accord notarié et un financement. Le rachat te permet de garder le contrôle total de la société.
Que faire si mon ex bloque les décisions dans la société ?
Le juge peut nommer un administrateur provisoire ou ordonner la liquidation. D’où l’intérêt d’avoir prévu des clauses d’exclusion ou de rachat automatique dès la création.
Peut-on continuer à gérer ensemble après le divorce ?
Possible, mais risqué. Sans pacte d’associés et confiance minimale, la co-gestion vire rapidement à la guerre froide. Prévois toujours une sortie organisée.





